Le «yaourt grec» n’existe pas en Grèce. En tout cas pas sous cette dénomination qui a fait le succès du produit sur les marchés mondiaux mais dissimule des recettes très différentes.
«Comment se fabrique le yaourt grec?» Thanasis Karagiorgos accueille la question du néophyte avec gourmandise: «vous voulez dire le +straggisto+ ou +l’astraggisto+ ?»
Le patron de 37 ans sait de quoi il parle: il est la troisième génération à la tête du milk bar «Stani» («bergerie») le plus ancien et l’un des derniers d’Athènes où vieux messieurs solitaires, couples, familles achètent ou consomment sur place les spécialités maison, riz au lait, crème de lait parfumées, gâteaux à la crème et le simple mais délicieux yaourt.
Un yaourt «astraggisto», c’est-à-dire non égoutté, est composé de lait de brebis à 6,5% de matières grasses. Quelques heures à températures maîtrisées, aucun additif. Le résultat est là: délicatement aigre, doux, honteusement crémeux.
«Le secret, c’est le lait, explique Prokopis Ploumbis, patron d’une fromagerie artisanale à une soixantaine de kilomètres d’Athènes.
- Pays du lait de brebis -
«Les brebis grecques reçoivent peu d’aliments d’élevage. Elles se nourrissent dans la montagne. Le meilleur, c’est le lait de printemps, la richesse de ce que mangent les bêtes est inimaginable, des centaines de plantes différentes», explique le producteur installé dans une vallée où le maquis méditerranéen est piqué d’amandiers en fleurs.
Cas singulier en Europe, la Grèce produit autant de lait de brebis et de chèvre que de lait de vache.
Autre exception: en plus des groupes industriels, subsistent des centaines de fromageries artisanales produisant pour le marché local yaourts et fromages, livrés quotidiennement aux commerces d’une île ou d’une région.
Mais si les yaourts de la maison Stani ou du fromager Ploumbis n’ont rien à voir avec les produits qui s’alignent dans les supermarchés de la planète, ce n’est pas seulement à cause de leur caractère artisanal.
«Ce que vous appelez +yaourt grec+ à l’étranger, est connu en Grèce sous le terme de +straggisto+ (égoutté, ndlr). Un yaourt de lait de vache passé par une étape d’égouttage qui permet l’évacuation du petit lait», explique M. Ploumbis.
Traduction en terme marketing: un yaourt plus épais, plus riche en protéines et beaucoup moins gras (généralement autour de 2%).
Flairant l’argument publicitaire et diététique, un homme d’affaires d’origine turc, Hamdi Ulukaya, a construit autour de ce produit la marque de yaourt Chobani avec laquelle il a conquis, en quelques années, le marché du +yaourt grec+ américain qui représentait 4% du marché total des yaourts aux Etats-Unis en 2008, plus de 35% aujourd’hui.
Ce «yaourt grec» n’a de grec que le nom: il est fabriqué dans les environs de New York dans une entreprise appartenant à un Turc.
Une claque pour les multinationales laitières, comme Danone, prises de court par la déferlante Chobani, et qui ont rapidement planché sur des produits similaires.
- Appellation protégée ? -
Une claque aussi pour les industriels grecs dont le yaourt grec égoutté «straggisto», la recette dont s’inspire Chobani, est le produit phare à l’exportation. Le straggisto est le yaourt le plus consommé en Grèce où il sert notamment de base aux préparations culinaires comme le tzatziki.
Premier menacé, Fage, leader national du yaourt et présent depuis les années 80 dans quarante pays, comme en Grande-Bretagne où il représente en valeur 95% des yaourts grecs vendus.
«C’est Fage qui a fait connaître à l’étranger la texture crémeuse du yaourt grec, sa concentration en protéine, son goût riche, obtenu uniquement pas égouttage, sans additif», défend son directeur commercial Alexis Alexopoulos.
Pas question, dès lors, de laisser Chobani marcher sur ses plate-bandes, au moins en Europe.
Quitte à lancer une croisade semblable à celle menée par Athènes pour la feta afin d’obtenir une «appellation d’origine protégée» européenne ?
Sans espoir, reconnaît Alexis Alexopoulos: la réglementation européenne exigerait, pour protéger l’appellation «yaourt grec», que celle-ci soit utilisée en Grèce. Ce qui n’est pas le cas puisqu’on y parle de yaourt «straggisto», «astraggisto» ou «traditionnel».
La marque grecque, dont les exportations ont tout de même augmenté de 17% en 2013, a cependant vu son horizon s’éclaircir grâce à la justice britannique.
En janvier, celle-ci a confirmé, en appel, une décision interdisant à Chobani d’appeler «yaourt grec» son yaourt égoutté produit aux Etats-Unis. Moins pour rendre hommage aux spécificités de la recette de Fage que par respect du consommateur britannique qui, analyse le juge, associe le terme «yaourt grec» à un produit fabriqué en Grèce.
Et tant pis, souligne le jugement consulté par l’AFP, si peu de consommateurs connaissent vraiment la recette qui se cache derrière cette appellation.
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